Glory Owl, c’est à la base l’idée de trois jeunes talentueux auteurs, Mandrill Johnson, Bathroom Quest et Gad, réunis par le mauvais esprit, l’amour de la BD et le goût de la gaudriole. Depuis, le collectif s’est enrichi d’autres auteurs (JJ Charogne, Mëgaboy, Chariospirale). Le principe est simple : des strips de trois vignettes et de l’humour noir. Mais les variations et déclinaisons sur le thème semblent infinies et le filon est à ce jour loin d’être tari. Leur premier strip a vu le jour sur leur page blogspot au début de l’année 2013. Cinq années plus tard, le troisième de leurs albums est publié aux éditions Même pas mal où ceux-ci figurent en bonne compagnie des oeuvres de David Snug, Goupil Acnéique, Fabcaro et consorts.
Salut à vous et merci de nous répondre. Pour commencer, une question assez bateau : qui êtes-vous, quels sont vos réseaux ?
(JJC) Je m’appelle Jean-Jacques Charogne, je suis abonné à Picsou Magazine depuis 1995, date à laquelle je suis allé voir GoldenEye au cinéma.
(CS) Mon nom est Chariospirale, Chario dans sa version courte. Anciennement Mëgaboy.
(MJ) Mandrill Johnson, bédéiste improvisé, être humain avant tout. Surnommé par mes proches “le séraphin majestueux”.
(G) Je suis Gad. Dans la vie, les personnes se distinguent en deux catégories : il y a les aigles et les pigeons. Moi je suis un superbe toucan.
(BQ) Bathroom Quest, officiellement retraité de Glory Owl mais qui continue de hanter officieusement le collectif.
Qu’est-ce qui vous a décidé à lancer le blog Glory Owl ?
(MJ) C’était l’été de 2004, j’avais dix-sept ans et mon bac en poche. Il faisait chaud. Je devenais doucement un homme et les grandes vacances qui débutaient avaient un parfum d’aventure et de nouveauté. Une nuit de juillet, je fis un rêve : je me retrouvai dans une pièce aux murs de plâtre et au plancher épais et grinçant, rappelant les bâtisses d’autrefois. La fenêtre ouverte laissait des rayons de soleil nimber la pièce d’une lumière chaude, créant avec les meubles et les objets environnants un clair-obscur d’une rare beauté. Alors que j’avançai au fond de la pièce, je distinguai la silhouette d’un vieil homme à la chevelure hirsute et argentée. L’homme se retourna lentement pour me fixer de ses yeux brillants de malice, un sourire mutin blotti derrière sa moustache fournie. Je le reconnus : c’était Albert Einstein. D’une voix douce et sereine il me lança : « Fais la BD ! » « Fais la BD ! » me répéta-t-il une seconde fois d’une manière plus véhémente.
Je me réveillai avec le souvenir du rêve bien ancré. Il était de ceux que l’on n’oublie pas, même sorti du lit. Pendant le petit-déjeuner je racontai mon songe intrigant à mes parents, pensant qu’ils pourraient m’aider à en trouver le sens qui m’échappait. Mais ils n’y prêtèrent guère d’intérêt. Les grandes vacances se terminèrent dans la douceur et l’inconscience qui bercent les années d’adolescence et la vie suivit son cours. Neuf ans plus tard, je proposai à trois amis de créer un blog de strips de bandes dessinées nommé Glory Owl.
(BQ) Le blog Glory Owl a toujours existé. C’est lui qui nous a choisi.
Comment se sont ajoutés les autres ? Le collectif d’auteurs est-il voué à s’étoffer ?
(JJC) Pour intégrer le groupe, j’ai dû faire des choses indignes d’un être vivant. Je ne pourrai plus jamais embrasser mes enfants ou même les regarder dans les yeux.
(CS) Ils avaient déjà un charlatan, un hacker et un tueur méthodique. Il ne manquait qu’une gueule d’ange et un expert en technologie pour enfin réussir le casse du siècle. Je parle bien sûr du Palazzo Resort Casino de Las Vegas.
(MJ) La destinée m’a fait rencontrer les membres de Glory Owl dans cet ordre : Bathroom Quest, Gad, Chariospirale et JJ Charogne. Nos énergies vitales étaient compatibles. Pour choisir un nouveau membre, il suffit de poser le cristal de sagesse sur sa nuque.
(BQ) Dans un bar, Gad est entré en transe et a désigné du doigt un client assis à côté de nous en hurlant “C’EST LUI ! C’EST LUI QU’IL NOUS FAUT !”. Il s’est avéré que cet inconnu était Mëgaboy. On lui a appris à dessiner et il nous a rejoints. Une scène assez similaire s’est déroulée pour le recrutement de Charogne. Depuis Gad n’est plus entré en transe et nous passons des soirées beaucoup plus calmes.
Qui est le meneur ? Comment sont prises les décisions ? Est-ce un chef despotique qui vous donne l’impression que c’est vous qui prenez les décisions alors qu’il contrôle tout (comme chez Fier Panda) ou avez-vous trouvé un moyen d’administration plus coopératif ? Est-ce que les règles du jeu ont évolué depuis le début de Glory Owl ?
(CS) On se base sur un système de domination physique. Ce qui pourrait expliquer nos énormes pectoraux.
(MJ) Il n’y a pas de leader à proprement parler, mais nos rapports sont régis par des tentatives de domination physiques et psychologiques sur les autres membres aboutissant à un certain équilibre. On appelle entre nous ce cercle vertueux “le maelström des âmes”.
(BQ) Nous avons une bible : Le Management d’équipe pour les nuls, nouvelle édition (2006). Nous suivons pas à pas chacun des conseils donnés dans ce livre et pour l’instant ça a plutôt bien fonctionné puisque nous sommes désormais à la tête d’un empire financier sans pareil. Et lorsque nous ne sommes pas d’accord, il constitue une arme improvisée très efficace.
Qui sont vos modèles, les auteurs à connaître avant de vous lire, ceux sans qui l’idée de Glory Owl n’aurait jamais germé ?
(JJC) L’album Quelque part…c’est toujours ailleurs de Pierre Bachelet est ma principale source d’inspiration. J’aime beaucoup l’énergie très charnelle qui s’en dégage.
(MJ) En vrac : le philosophe sino-aborigène Tjupurra Zhui Wang, l’artiste peintre Carlos Drazikman, le poète André Verlain, l’autrice de bandes dessinées Chantale Billet-Doux, le motard décédé Franco Jobard et la physicienne Claudine Chuppa Chups. Liste non exhaustive bien entendu.
(G) J’essaie de me défaire de toute doctrine et influence de maître à penser mais Hitler est peut-être celui qui m’a le moins souvent déçu…
Quels sont vos autres projets à côté ?
(JJC) Je travaille en étroite collaboration avec le S.O.G.E.R.P.A afin de développer un vaccin visant à densifier les selles des habitants du tiers-monde.
(G) Lundi j’vends, mardi j’vends, mercredi j’vends, jeudi pénurie.
(CS) Pour faire court : conquête mondiale puis spatiale.
Êtes-vous surpris par le succès qu’a eu Glory Owl ? Ou considérez-vous que c’est la moindre des choses ? Où est-ce que vous voyez Glory Owl dans dix ans ?
(JJC) Dans dix ans, nous devrions diriger le plus gros conglomérat d’auteurs scatophiles de l’hémisphère nord. Pas de demi-mesure, ce sera soit ça, soit un hébergement de fortune dans un abri du 115.
(CS) Dans dix ans Glory Owl n’existera plus depuis plusieurs années.
(G) C’est trop loin dix ans, qui peut même savoir l’âge que l’on aura alors ?
(MJ) Dans dix ans je vois des albums de Glory Owl bien rangés dans les rayons d’une médiathèque sur Mars. Les colons ne les emprunteront jamais car l’humour y sera désuet. Deux membres de Glory Owl seront alors décédés, deux autres mèneront une vie routinière mais confortable, le dernier sera devenu un lycanthrope.
Le fait qu’il y ait deux tops de strips Glory Owl sur Topito, vous le vivez plutôt comme une consécration ou comme un avertissement ?
(G) Cela n’est en aucun cas un avertissement. On ne cherche pas à faire de Glory Owl un petit plaisir de niche inconnu, on cherche à faire marrer le plus de monde possible, donc merci Topito !
(CS) Topito est tenu par des gens tristes. Comme tous les gens tristes, ils essaient de se débattre pour rire.
(BQ) J’ai candidaté à Topito il y a quelques années et ils ne m’ont pas pris, ce que j’ai toujours regretté parce que j’avais besoin d’argent à l’époque.
Jusqu’à présent, vous avez toujours soigneusement évité de traiter l’actualité. Pourquoi ? N’y a-t-il pas eu des fois où ça vous a démangé ?
(G) Nous nous efforçons d’être le plus intemporels possible afin d’éviter que nos strips ne se démodent rapidement.
(JJC) Nous avons parfois eu quelques coups d’avance. Les strips sur Jean Rochefort et Stephen Hawking ont été réalisés quelques mois avant leur décès. Avons-nous provoqué le destin ? Dans le doute, nous travaillons actuellement sur des strips concernant Squeezie, Martin Shkreli et Julien Chièze.
(CS) L’actualité c’est nous !
(BQ) Nous sommes réfractaires à tout découpage du temps. Le passé, le présent ou le futur sont des concepts qui n’ont pas de prise sur nous. Comment pourrions-nous traiter de l’actualité alors que tous les événements se déroulent au même moment ? C’est pour ça que nous dessinons constamment le même strip mais qu’à la lecture chaque nouvelle version est différente de la précédente.
Quels sont les auteurs BD qui vous impressionnent en ce moment ?
(G) David Sala avec son travail sur le joueur d’échecs et Luigi Critone sur Je, François Villon m’en ont foutu plein les mirettes.
(JJC) Brian K. Vaughan m’impressionne depuis quinze ans.
(BQ) Yves Saint Laurent ne cesse de m’impressionner. Qui aurait pu croire au succès qu’il a eu après la parution de La vilaine Lulu en 1967 ?
(MJ) L’autrice de bandes dessinées Chantale Billet-Doux (citée plus haut), notamment pour sa série Roule Pédro !.
Vous savez qu’à chaque fois que vous dites que Goupil Acnéique est une inspiration il se sent plus vieux ?
(G) Il vieillit également d’un an à chaque fois qu’on dit du bien de lui, c’est pourquoi on ne se prive pas ! Blague à part, il était l’un des principaux instigateurs du blog Damned il y a une dizaine d’années. L’un des rares sites français de l’époque à apporter quelque chose d’intéressant en bande dessinée.
(CS) Goupil suce ces trucs ! (Je montre les pénis de tous les membres de GO.)
(BQ) A chaque fois que l’on dit que Goupil est une inspiration nous rajeunissons donc dans l’ensemble c’est plutôt un bon deal.
(MJ) Ce que peu de gens savent c’est que Goupil Acnéique est décédé en 2015. Son corps étant actuellement possédé par le spectre d’Yves Rocher. Pour preuve il ne dessine plus et il a toujours du sel de bain sur lui.
Est-ce qu’un strip vous a déjà valu des problèmes ?
(G) Régulièrement, des gens signalent nos strips sur les réseaux sociaux. Jusqu’ici on ne peut pas dire que ça nous ait porté préjudice.
(CS) Le strip sur le chien malade… (retiré d’Internet)
(BQ) Nos strips ne sont pas de nature à susciter des problèmes.
(MJ) Le strip du chien malade (hardcore). Le strip sur les cryptomonnaies.
Y a-t-il déjà eu des strips victimes d’autocensure ?
(G) Nous réfléchissons à la portée de nos strips et tâchons de doser l’humour noir en conséquence. Nous ne parlerons pas d’autocensure pour autant.
(CS) Le strip des cosmonautes (non publié), celui sur Satan bébé (non publié) et au autre sur le rond-point mortel (non publié).
(BQ) Nous ne sommes pas en position de subir de pression de qui que ce soit et donc de fait nous ne pratiquons pas d’autocensure. Je veux dire, tout le monde se fout de quelques mecs qui font des blagues scatologiques.
Y a-t-il des sujets sur lesquels vous n’avez pas envie de plaisanter ?
(JJC) Les cryptomonnaies. Nous allons tout réinvestir, jusqu’au dernier centime de nos droits d’auteur, dans une nouvelle devise : le Buttcoin. Son cours va exploser à l’horizon 2040.
(CS) Les interviews. Elles sont une vitrine sincère vers un nouveau public et ont généralement des questions fraîches et intéressantes !
(BQ) Oui, plein. Le site des synonymes par exemple. Nous n’avons pas envie de plaisanter dessus et je pense pouvoir dire sans trop me tromper que personne n’a envie de nous voir plaisanter sur ce sujet.
(MJ) Les cryptomonnaies et les sites de synonyme.
Joan Sfar, Zep, Bastien Vivès : vous devez coucher avec l’un, vous marier avec l’autre et tuer le dernier.
(G) Je baise Vivès car il a de belles lèvres pulpeuses, je me marie avec Zep qui doit être un bon parti – je l’imagine doux – et je tue Sfar qui est insupportable.
(CS) J’épouse les trois. Tout ce que je veux c’est une proposition décente et un vrai beau mariage.
(BQ) Qui sont ces gens ? Pourquoi je voudrais les tuer ? Qui êtes-vous ? Où je suis ?
source : fier-panda.fr